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Education spécialisée : nouvelle condamnation de l’Etat pour défaut de prise en charge

Education spécialisée : nouvelle condamnation de l’Etat pour défaut de prise en charge

Le sujet est désormais porté sur la place publique depuis longtemps : notre pays souffre d’un manque de place dans les établissements médico-sociaux devant accueillir les enfants en situation de handicap.

Dans certains départements, les carences sont manifestes et contraignent les parents à garder leurs enfants à domicile sans, souvent, pouvoir leur offrir la prise en charge adaptée dont ils ont besoin.

Cette prise en charge est décidée par les commissions des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH). Les décisions de ces instances s’imposent aux pouvoirs publics. En effet, l’article L. 351-2 du code de l’éducation dispose que les décisions d’orientation de la CDAPH s’imposent « aux établissements scolaires ordinaires et aux établissements ou services mentionnés au 2° et au 12° du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles dans la limite de la spécialité au titre de laquelle ils ont été autorisés ou agréés ».

A ce jour, il n’existe pas véritablement de moyen juridique de contraindre l’Etat à créer de nouvelles places.

Aussi, seule une action indemnitaire (i.e. demande de dommages-intérêts) demeure la plus efficiente. Mais, bien souvent, les condamnations pouvaient s’avérer décevantes.

Une récente décision du tribunal administratif de Cergy-Pontoise (TA Cergy-Pontoise, 26 mars 2020, n°1811463) semble avoir pris la mesure du problème et a condamné lourdement l’Etat à indemniser une famille en raison d’un défaut de prise en charge dans un institut médico-éducatif (IME).

Pour aboutir à cette condamnation, le tribunal a commencé par rappeler l’état du droit et l’article L. 112-1 du code de l’éducation, qui prévoit que « pour satisfaire aux obligations qui lui incombent en application des articles L. 111-1 et L. 111-2, le service public de l’éducation assure une formation scolaire, professionnelle ou supérieure aux enfants et adultes présentant un handicap ou un trouble de la santé invalidant. Dans ses domaines de compétence, l’État met en place les moyens financiers et humains nécessaires à la scolarisation en milieu ordinaire des enfants, adolescents ou adultes handicapés ».

Il faut rappeler que le Conseil d’Etat a donné une portée toute particulière à cette disposition en assignant une obligation de résultat à l’Etat. C’est ainsi que :

« le droit à l'éducation étant garanti à chacun quelles que soient les différences de situation, et, d'autre part, que l'obligation scolaire s'appliquant à tous, les difficultés particulières que rencontrent les enfants handicapés ne sauraient avoir pour effet ni de les priver de ce droit, ni de faire obstacle au respect de cette obligation ; qu'il incombe à l’État, au titre de sa mission d'organisation générale du service public de l'éducation, de prendre l'ensemble des mesures et de mettre en œuvre les moyens nécessaires pour que ce droit et cette obligation aient, pour les enfants handicapés, un caractère effectif ; que la carence de l'Etat est constitutive d'une faute de nature à engager sa responsabilité, sans que l'administration puisse utilement se prévaloir de l'insuffisance des structures d'accueil existantes ou du fait que des allocations compensatoires sont allouées aux parents d'enfants handicapés, celles-ci n'ayant pas un tel objet » (CE, 29 décembre 2014, n°371707) »

Il est donc clair qu’un défaut de prise en charge d’un enfant handicapé, conformément à l’orientation décidée par la CDAPH, engage la responsabilité de l’Etat.

Dans le cas tranché par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, l’enfant n’avait pas pu être admis en IME, faute de place disponible. La faute de l’Etat était indiscutable.

Le véritable enjeu résidait dans la détermination du quantum de l’indemnisation, étant rappelé que, bien souvent, les condamnations prononcées par les tribunaux sont inférieures au coût de création d’une place en établissement médico-social.

C’est sur ce point que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a apporté une contribution intéressante en fixant le montant des dommages-intérêts mis à la charge de l’Etat à une somme qui semble suffisamment dissuasive (100 000 euros) pour inciter à la création de places en nombre suffisant.

Il ne s’agit, ni plus ni moins, pour l’Etat, que de respecter les règles qu’il a lui-même définies.

Publié le 31/03/2020

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